jeudi 29 mai 2008

Sacrifier pour mieux développer

Dans l’industrie, quelle soit technologique ou pas, il est un principe assez simple, qui consiste à sacrifier certains raffinements d’un produit pour favoriser l’émergence d’une nouveauté. En faisant ces sacrifices, des marges sont dégagées pour payer cette couteuse innovation, des performances sont dégagées pour favoriser son fonctionnement.

C’est le principe qui a prévalu à la conception de l’iPhone 1, principalement en ce qui concerne la connectivité 3G. Apple a amené une nouvelle technologie d’importance majeure (le grand écran couleur et son interface multitouch) en faisant l’impasse sur certaines fonctionnalités (la 3G, donc) qui auraient, soit handicapé les performances (la batterie) de l’appareil, soit contrarié la stratégie du fabricant lui-même (absence de téléchargement de fichier, d’accès au système de fichier, fermeture relative pour maîtriser la plate-forme…). En effet, un écran de 3,5 pouces rétro-éclairé, ça consomme beaucoup…

Enfin, comment ne pas pester contre l’absence de fonction de mémo vocal, en série sur tous les téléphones mais incompréhensiblement absent d’un iPhone qui serait, par ailleurs, très bien équipé, avec iTunes, pour les gérer.

Pourtant, si l’iPhone  fait l’impasse sur des fonctions de bases, ce qu’il a apporté compense absolument tous ces défauts. Des défauts qui servent d’arguments à tous ses opposants. Mais qui aura sorti le premier ce module grand écran à tout faire ? L’histoire s’en souviendra, et quand tous les téléphones (ou une grande partie, les partisans du clavier physique n’ont pas de raison d’abdiquer) auront ce format, la réussite d’Apple n’en sera que plus éclatante. Ce n’est pas que je n’aimerais pas un clavier physique, c’est plutôt que le prix à payer pour l’avoir (boîtier plus épais et plus complexe) est trop important en regard de ce que l’on gagne à le virtualiser.

Surement les détracteurs de l’iPhone n’ont-ils pas conscience de 2 points importants : les stratégies des entreprises ne sont pas toujours à 100% en adéquation avec les besoins des utilisateurs et « les choses vont très vite dans le monde d’aujourd’hui » : nous sommes à la veille d’un nouvel iPhone repoussant les limites du premier et qui sait où nous en serons avec l’iPhone 3.

De plus, Apple ne restera pas longtemps avec une seule version de téléphone…Et comme j’ai lu un jour sur un forum « Si l’iPhone ne vous plaît pas, et bien, n’achetez pas l’iPhone ! ».

Appliqué à l’automobile, ce principe pourrait, par exemple, voir naître des véhicules électriques ou hybrides, qui, pour promouvoir cette technologie, feraient l’impasse sur des raffinements auxquels nous sommes habitués aujourd’hui pour concentrer les coûts sur une chaine de traction couteuse. Tout comme Apple a renoncé à la 3G pour que son écran multitouch ait assez d’énergie pour tenir 2 jours et non 1 seul si la 3G avait été présente. Et tout cela aide à pousser des technologies, qui, petit à petit, avec les volumes générés et la technique s’améliorant, récupèrent les raffinements perdus.

Le problème de l’automobile, c’est que peu de constructeurs raisonnent avec ce principe. Le fait de perdre une fonctionnalité est presque vu comme une impossibilité totale quand il s’agit de concevoir un nouveau véhicule successeur d’un autre (d’où la liberté du nouvel arrivant sur un marché). Pourtant, à l’aube de profonds changements structurels dans cette industrie, le moment de se remettre en question et d’oser concevoir différemment va se rapprocher à grands pas. On en sent les prémices et l’un des concept-cars les plus représentatif à cet égard est la Citroën C-Cactus, un véhicule qui applique savamment le principe du sacrifice. Pour se payer sa chaine de traction hybride-diesel, ce véhicule fait l’impasse sur la planche de bord, sur les vitres qui s’ouvrent, et use d’autres astuces pour limiter ses coûts. Et, au passage, il gagne une différenciation, qui, à elle seule, est un formidable argument de vente. Mais ce n’est qu’un prototype, et la peur du risque qui gangrène toute cette industrie est là pour réfréner les velléités de le commercialiser. Certes, il y a sûrement d’autres très bonnes raisons, les constructeurs automobile sont excellent pour les trouver, mais il y a aussi un extraordinaire marché à conquérir et un intérêt certain à être précurseur. L’image de tout ce qui se rapporte au pétrole va considérablement continuer à se dégrader dans la décennie qui suit et tout sacrifice qui permettra de développer à grande échelle l’hybridation ou même l’électrique total, sera vu comme nécessaire s’il est correctement expliqué. Espérons retrouver une voiture inspirée de ce concept bientôt sur nos routes.

En sacrifiant, on découvre parfois des façons de faire les choses finalement plus pratiques ou plus simples que ce que l’on faisait avant, des systèmes pensés différemment et qui, au prix de petits sacrifice, rendent de grands services. Car c’est bien là le cœur du principe : compenser très largement une perte par un gain important.

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